Permis de conduire : la formation aux premiers secours est-elle efficace ?
Depuis janvier 2018, les candidats au permis de conduire doivent connaître certains gestes de premiers secours. Parmi eux, une consigne est source d'interrogations: "secouer doucement les épaules" d'une victime pour vérifier son état de conscience. Un urgentiste nous éclaire sur les bons gestes à tenir.
Depuis le 1er janvier 2018, les candidats à l’épreuve du permis B ou B1 sont aussi évalués sur leurs connaissances des premiers secours. Chaque année, on estime que 250 à 350 personnes pourraient être sauvées si des gestes de premiers secours leur étaient prodigués sur les lieux des accidents. Sur le guide des conduites à adopter en cas d’accident, le code Rousseau indique de ”secouer légèrement les épaules” d’une personne inconsciente. Pourtant, on sait qu'il faut éviter de manipuler un blessé en cas de suspicion de lésion de la colonne vertébrale.
Evaluer le niveau de conscience
Trois façons d’évaluer l’état de conscience d’une victime sont indiquées dans le code Rousseau. ”Lui poser des questions simples” (”Comment ça va ? Vous m’entendez ?”)”, ”lui prendre la main en lui demandant d’exécuter un geste simple (”Serrez-moi la main”)” mais aussi de ”lui secouer doucement les épaules”. Cependant, il est souvent recommandé, sauf si déplacer la victime est obligatoire (incendie, éboulement …), de ne pas la déplacer ou la tirer. De façon générale, on conseille de ne pas la toucher. Anthony Chauvin, médecin urgentiste, souligne donc qu’il s’agit de ”stimuler légèrement la victime”, et non pas de lui secouer vivement les épaules, tout en lui posant des questions, pour évaluer son niveau de conscience. En effet, après un accident, une lésion du rachis (colonne vertébrale) peut survenir, et déplacer la personne pourrait aggraver cette lésion. Connaître les gestes de premiers secours permet d'intervenir rapidement après l'accident, avant l'arrivée des secours.
Pour une meilleure mise en sécurité
Selon l'urgentiste, cette formation permettrait surtout d'éviter les suraccidents. Selon lui, depuis l’obligation d’une formation aux premiers secours pour obtenir son permis B, il y a une ”meilleure mise en sécurité” sur les lieux des accidents. ”Les gens sont plus visibles, ils pensent à mettre leur gilet jaune. Cela permet d’éviter les suraccidents et les mises en danger”. Cepdendant, Christophe Ramond, directeur des études et recherches à l'association Prévention Routière, rappelle quil s'agit d'une formation ”théorique”, et non pas ”pratique, comme celles de la Croix Rouge”, et que ses objectifs sont sur le long terme. Les trois mots-clés de cette formation sont ”Protéger, Alerter et Secourir”. Il s’agit de prodiguer les premiers gestes de secourisme, de pouvoir alerter rapidement les secours, et de sécuriser les lieux de l’accident. Pour Anthony Chauvin, cette formation inclue dans le permis B, permet de ”donner goût” aux premiers secours, de sensibiliser les automobilistes. Il espère que cette popularisation des formations aux premiers secours permettra, à terme, de les diffuser jusque dans les écoles.
Une formation intégrée au cursus scolaire ?
Que cette formation aux premiers secours soit obligatoire également lors du cursus scolaire est, selon lui, indispensable. ”Je me bats pour depuis 4 ou 5 ans”, affirme-t-il, évoquant le cas des pays nordiques. En effet, en Norvège, plus de 80% de la population a reçu une formation aux gestes de premiers secours. Chaque enseignant y reçoit une formation, qu’il transmet par la suite à ses élèves à l’aide d’une équipe de secouristes. Cet enseignement est inscrit dans les programmes scolaires. Dès 5 ans, les enfants apprennent à composer un numéro d’urgence et à donner leur adresse.
En France, depuis 2004, il est officiellement obligatoire de dispenser aux élèves une formation aux premiers secours. Depuis 2006, une circulaire prévoit que “dans les établissements scolaires publics et privés sous contrat, une sensibilisation à la prévention des risques, aux missions des services de secours ainsi qu’un enseignement des règles générales de sécurité” soient dispensés. A l’école, le dispositif Apprendre à porter Secours (APS) comporte un apprentissage des principes simples pour porter secours. Au collège, l’élève est formé et obtient une attestation de formation aux premiers secours. Au lycée, dans les formations générales, l’élève ayant obtenu l’attestation ”doit pouvoir suivre une formation continue qui consiste en une actualisation des connaissances et des gestes techniques”. Ceux qui n'ont pas l’attestation doivent l’obtenir. Dans les filières professionnelles et technologiques, les élèves peuvent, en plus, bénéficier d’une formation de sauveteur secouriste du travail.
Mais la réalité sur le terrain est bien différente. En 2017, selon La Croix Rouge, 46% des Français déclaraient avoir suivi une formation ou une initiation aux premiers secours : un chiffre bien plus bas qu'en Norvège. La formation ne semble être obligatoire qu’en théorie. La situation devait cependant s'améliorer. D’ici 2022, tous les élèves de troisième devront être formés aux premiers secours. Une façon de sensibiliser les plus jeunes bien en amont de l'apprentissage de la conduite.