Détecter le cancer en un souffle ?
En analysant l'haleine, un nez électronique pourrait être capable de détecter la présence d'un cancer de l'estomac, sans douleur ni geste invasif, car les cellules cancéreuses laissent une signature repérable dans le souffle humain. Si ce test affiche un taux de fiabilité de 73%, la méthode devrait encore être validée sur un plus grand nombre de patients.
L'haleine permet de détecter le taux d'alcoolémie, mais pas seulement… Elle révèlerait aussi la présence de lésions cancéreuses. Un nez électronique, mis au point par une équipe de recherche israélienne, s'est avéré capable de repérer des changements dans l'haleine des personnes atteintes de cancer de l'estomac ou risquant d'en développer. Ces résultats expérimentaux sont publiés le 13 avril revue Gut.
Les cellules cancéreuses émettent des composés volatils différents des cellules saines, car leur métabolisme diffère. Ainsi, ces substances relâchées dans l'haleine changent en terme de quantité et de typologie. Elles laissent alors une empreinte dans le souffle humain. Néanmoins, les mécanismes biologiques à l'origine de ces changements d'haleine sont encore peu connus.
Une méthode indolore et non invasive
Le but de la technologie israélienne est de rendre le dépistage du cancer de l'estomac "non invasif, indolore et sans effet secondaire indésirable". Si ce n'est pas la première fois que ce type de test est expérimenté, la nouveauté de cette étude tient au nombre plutôt important de patients recrutés. Au total, l'haleine de près de 500 personnes a été analysée. Parmi elles, des patients avec des cancers de l'estomac, ainsi que d'autres présentant des lésions gastriques. Un cancer de l'estomac nait d'une "cascade de lésions précancéreuses" rappellent les chercheurs.
Finalement, l'essai a distingué "efficacement", et uniquement grâce au souffle, les patients atteints de cancers, de ceux souffrant de lésions gastriques à "haut risques", à "faible risques" ou sans lésions. Deux techniques d'analyse du souffle ont été testées : l'une, coûteuse, consistant en une analyse gazeuse, l'autre, moins chère, utilisant des détecteurs avec des nanoparticules d'or. Les chercheurs estiment que cette dernière, "potentiellement bon marché", pourrait être développée pour surveiller l'évolution de patients souffrant de lésions pour savoir si celles-ci évoluent ou non vers des cancers.
Des résultats préliminaires à confirmer
Pouvoir distinguer les lésions à faible risque d'évolution en cancer de celles qui comportent un risque élevé "permettrait d'éviter des endoscopies inutiles et de limiter les examens à ceux qui en ont réellement besoin" explique les chercheurs. Mais le gastroentérologue français Jean-Christophe Saurin, du Centre hospitalier de Lyon, avoue son scepticisme face à cette méthode "encore très préliminaire" et dont la sensibilité "n'est pas exceptionnelle" explique t-il à l'AFP. En effet, ce test n'affiche un taux de fiabilité que de 73%...
Pour être "intéressant", l'essai devra "être reproduit par d'autres" équipes de recherche indépendantes et comporter un volet "prospectif" sur l'évolution des patients catalogués comme à "risque de cancer", estime le Dr Saurin. Prochainement, cette technique devrait être testée dans plusieurs pays européens sur plusieurs "milliers de patients" dans le but de valider la méthode.
Nez électronique et cancer, une nouvelle tendance ?
Les nez électronique sont difficiles à mettre au point et entrainent souvent bon nombre de faux positifs et de faux négatifs, causés notamment par l'humidité de l'haleine.
Les dépistages de cancer par le souffle et l'odorat sont en vogue ces dernières années. Depuis 2011, plusieurs outils expérimentaux ont été élaborés pour détecter le cancer du poumon ou encore du côlon. Récemment, une équipe de l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne a mis au point un test d'haleine à brancher sur son smartphone ou son ordinateur pour dépister le cancer de la gorge.
En 2011, des chiens ont même étaient dressés pour repérer avec leurs truffes, des cancers de la prostate dans des urines humaines...
Source : Detection of precancerous gastric lesions and gastric cancer through exhaled breath. H. Amal, M. Leja et al. Gut, BMJ, 13 avril. doi:10.1136/gutjnl-2014-308536