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Disparition de Françoise Héritier, célèbre anthropologue et féministe

Elle a façonné une pensée novatrice sur la contraception, le sida ou le désir masculin.

La rédaction d'Allo Docteurs
Rédigé le , mis à jour le
CC BY-SA 3.0

Connue pour ses engagements féministes, elle s’attelait à travers ses travaux à démontrer l’absurdité des dogmes de la domination masculine. L’ethnologue et anthropologue Françoise Héritier est morte dans la nuit du 14 au 15 novembre à l’âge de 84 ans. Elle était directrice d'étude à l'EHESS et avait succédé à Claude Lévi-Strauss au Collège de France. 

"Il n'y a aucune raison objective qui impliquerait une infériorité féminine"

Pour Françoise Héritier, l’un des fondements de cette domination résidait en premier lieu dans le contrôle du corps de la femme par les hommes. "Le privilège exorbitant d’enfanter" représentait selon elle l’essence même de cette inégalité (La plus belle histoire des femmes, Seuil, 2011). Aussi était-elle convaincue que la généralisation de la contraception féminine constituait une "révolution essentielle" (Masculin/Féminin, Odile Jacob, 1996). "Pour la première fois de l'histoire de l'humanité, les femmes peuvent choisir si elles veulent ou non procréer, quand, combien de fois, avec qui. Elles redeviennent sujets à part entière" affirmait-elle.

Car la pierre angulaire de sa pensée, c’était l’égalité des sexes. "Il n'y a aucune raison objective, biologique, naturelle qui impliquerait une infériorité féminine et une supériorité masculine. Les deux sexes sont différents, mais la nature ne dit rien en termes de hiérarchie", déclarait-elle. Il y a quelques semaines encore, Françoise Héritier se réjouissait d’ailleurs de la libération de la parole des femmes dans le cadre de l’affaire Weinstein : "Les conséquences de ce mouvement peuvent être énormes. A condition de soulever non pas un coin, mais l’intégralité du voile, de tirer tous les fils pour repenser la question du rapport entre les sexes, s’attaquer à ce statut de domination masculine et anéantir l’idée d’un désir masculin irrépressible".

Une lutte pour l’acceptation des séropositifs

Mais l’un de ses principaux chevaux de bataille, c’était aussi la lutte contre le VIH. De 1989 à 1994, elle fut présidente du Conseil national du sida. Des années pendant lesquelles elle a combattu l’exclusion des séropositifs dans le milieu carcéral et permis le rattachement de la médecine pénitentiaire au ministère de la Santé. Sur la question du VIH, Françoise Héritier était d’ailleurs résolument optimiste : dans Sida, un défi anthropologique (Les Belles Lettres, 2013), l’anthropologue faisait état des progrès concernant le traitement, mais aussi de l’acceptation progressive des malades au sein de la sphère sociale.

Françoise Héritier laisse derrière elle un héritage unique, pionnier et résolument féministe. Le 8 novembre dernier, l’ethnologue s’était vu décerner le prix spécial du jury Femina pour son ouvrage Au Gré des jours (Odile Jacob, 2017). "C’est cette capacité d’alterner aisément austérité et prospérité, maladie et santé, rage de vivre, peur de mourir, qui me donne force et résistance", écrivait-elle alors. Une rage de vivre dont elle a témoigné tout au long de son combat pour le droit des femmes.

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