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Don de corps à la science : un charnier au coeur de l’université Paris-Descartes

Une cinquantaine de personnes manifesteront demain devant la faculté de médecine Paris-Descartes pour exprimer leur colère. Les dépouilles de leurs proches, conservées au sein de l’université ont été retrouvées dans des conditions déplorables. 

La rédaction d'Allo Docteurs
Rédigé le , mis à jour le

Depuis 70 ans, des médecins dissèquent des cadavres de donateurs. Ils se forment et se perfectionnent au centre du don des corps de l’université Paris-Descartes. Mais en novembre dernier, le journal l’Express révèle l’impensable. Les conditions de conservation des corps y seraient dignes du Moyen-Âge.

« Des cadavres par dizaines, au milieu d’un fatras indescriptible. Ici, un bras pend, décomposé. Là, un autre est abîmé, noirci, troué après avoir été grignoté par les souris. » 

"Certains sont pourris. Ça pue"

La journaliste cite un témoin : « Les cadavres sont conservés dans des conditions déplorables, il fait une chaleur épouvantable, certains sont pourris. Ça pue. On a le sentiment d’être au XIXe siècle. » 

Dans les chambres froides, inchangées depuis les années 50, les températures peuvent même atteindre 17 °C . 

Les personnes qui se retrouvent aujourd'hui ne se connaissaient pas, mais tous ont maintenant un triste point commun. Un père ou une mère ayant fait don de son corps à la science. Un corps certainement souillé au sein de l’université. Aujourd’hui, les mots de la journaliste continuent de les hanter. 

Les alertes ont été nombreuses

À Paris-Descartes pourtant, les alertes ont été nombreuses. En 2013, le directeur du Centre du don des corps a même réuni un comité d’éthique pour améliorer la situation. Le Pr Brigitte Mauroy en était la présidente : « On a travaillé au comité d’éthique pour établir un projet chiffré des locaux, des moyens indispensables… On a remis la totalité du projet au président Dardel dans le courant de l’année 2016 et puis après il ne s’est plus rien passé ! » 

Un an passe. Face à l’inertie de l’administration et sans réponse du président de l’université, Frédéric Dardel, tous les membres du comité d’éthique démissionnent.  

"c’est vrai que nous avons échoué"

« Moi ce qui me navre c’est que quelque part j’ai l’anatomie dans les gènes, et pour moi Descartes c’est toujours… ça devrait être ce qu’il y a de mieux pour l’anatomie en France et c’est vrai que nous avons échoué" », s’indigne Brigitte Mauroy. 

Des 28 centres français, celui de Paris-Descartes est le plus grand et le plus prestigieux. D’importantes innovations médicales y ont vu le jour. Le Pr Lantieri s’est notamment préparé, dans les années 2000, à réaliser les premières greffes du visage. Peu de temps avant les révélations de l’Express, le Pr Lantieri demande à l’université de réaliser de nouvelles dissections. Surprise, il doit désormais payer. Pourtant selon le droit français, le corps humain ne peut être monnayé.   

« On m’a demandé 950 hors taxe pour l’accès aux locaux pour faire la dissection + 900 euros par cadavre. Je suis carrément tombé de ma chaise. De recevoir un document dans lequel j’avais même un RIB pour pouvoir payer me paraissait sidérant. Donc je l’ai signalé, j’ai dit je ne paierai pas pour avoir accès au corps. Ca me paraît tout à fait inadapté. Il s’agit d’un corps humain, on leur doit le respect. Ces gens l’ont donné gratuitement, il n’y a pas de raison de faire de commerce dessus », s’indigne le Pr Laurent Lantieri, chirurgien plastique reconstructeur, à l’hôpital européen Georges-Pompidou, à Paris. 

24 familles ont porté plainte

Depuis la révélation de l’affaire, une enquête préliminaire a été ouverte pour atteinte à l’intégrité d’un cadavre. Un délit passible d’un an de prison et de 15000 euros d’amende. 24 familles ont porté plainte pour « atteinte au respect dû aux morts » et 8 autres familles déposeront plainte mi-mars. Tous, attendent une chose. 

« Que les personnes responsables soient condamnés déjà. Il faut qu’une Justice soit rendue à nos proches… Et ensuite oui, que ça ne se reproduise plus. Qu’une loi encadre le don des corps”, explique Christine Letellier, proche d’un défunt. 

L’université a présenté ses excuses aux familles et le centre du don des corps a été provisoirement fermé. L’établissement n’a pas souhaité répondre à nos questions. 

 

 

 

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