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Paralysie : reconnecter cerveau et moelle épinière en Bluetooth ?

Des macaques paralysés d'une jambe, suite à une lésion partielle de la moelle épinière, ont pu retrouver le contrôle de ce membre grâce à la connexion artificielle du cerveau, par Bluetooth, avec une zone inférieure de la colonne vertébrale.

La rédaction d'Allo Docteurs
Rédigé le , mis à jour le
Représentation simplifiée du dispositif (crédits : Université de Lausanne)

Comment passer outre une lésion de la moelle ?

En cas de lésion de la moelle épinière, les signaux nerveux envoyés par le cerveau ne peuvent être acheminés jusqu’aux membres. Depuis plusieurs années, de nombreuses équipes de par le monde cherchent à acheminer ces signaux vers la zone située en-deçà des lésions.

Certains cherchent à construire un pont au-dessus de la lésion, en provoquant la croissance de neurones (notamment à l’aide de cellules souches), ou grâce à des implants qui "re-câbleraient" la moelle. D’autres équipes proposent d’emprunter la voie des airs, en recueillant les signaux nerveux à l’aide d’électrodes insérées dans le cerveau, ceux-ci devant être interprétés par un logiciel qui envoie, par ondes radios, des informations à des récepteurs situés au-delà de la lésion - soit directement au niveau des muscles, soit au niveau des racines nerveuses de la moelle.

Début 2013, un macaque, dont les mouvements du bras droit étaient fortement détériorés suite à une lésion, avait retrouvé une motricité fine grâce à un "complément d’informations nerveuses" transmis aux membres grâce à cette dernière méthode.

Faire marcher de nouveau des macaques paralysés

Ce 10 novembre marque une étape significative dans ce courant de recherche, avec la publication des travaux d’une équipe franco-suisse dans la revue Nature. En utilisant, eux aussi, un dispositif de décodage du signal nerveux et de transmission par signaux radios aux racines situées sous la lésion de la moelle, ils sont parvenus à rétablir les mouvements d’une jambe entièrement paralysée, sur deux macaques.

Dans un premier temps, les chercheurs ont analysé de manière très précise l’activité du cortex moteur de sept macaques en déplacement sur un tapis roulant. Forts de cette analyse, ils ont pu concevoir "un algorithme générique, c’est-à-dire non spécifique à un macaque, mais bien commun à tous les macaques, capable d’identifier quand ils ont la volonté de se mettre en mouvement", nous détaille Erwan Bézard, chercheur à l'Institut des Maladies Neurodégénératives (IMN) à l'université de Bordeaux, co-auteur des travaux.

Parallèlement, les zones de la moelle épinière recevant les signaux nerveux associés aux mouvements des jambes ont été identifiés, là encore de manière très précise, permettant la création d’un support d’électrodes pouvant cibler avec exactitude les zones à stimuler.

Une lésion franche de la moelle épinière a été réalisée chez deux macaques, paralysant de manière totale leur jambe gauche. Une fois les électrodes posées sur la moelle épinière, celles-ci ont été reliées à un boitier capable de recevoir le signal émis par le dispositif de réception des impulsions cérébrales. Une fois cette connexion rétablie "par Bluetooth", les animaux ont pu de nouveau marcher sur un tapis roulant. Si les conditions de l’expérience ne permettent pas de déterminer si les animaux pourraient se déplacer de façon parfaitement normale (sauter, courir) dans un environnement moins contrôlé, le résultat observé enthousiasme grandement les chercheurs.

"Des travaux ont été menés [en 2012 par des membres suisses de l'équipe, NDLR] sur la souris, mais la motricité des macaques est bien proche de la nôtre. Leur motricité est essentiellement [commandée par le cortex moteur, une partie des déplacements des souris étant d’ordre réflexe]. Le macaque est, comme nous, un primate, et l’espèce la plus proche de l’homme sur laquelle nous avons le droit de travailler [1]", précise Erwan Bézard.

"Suite à ces travaux, un essai va être initié sur l’homme au Centre Hospitalier de Lausanne, qui sera conduit par le Dr Jocelyne Bloch", conclut le chercheur. "L’un des obstacles reste peut-être la bipédie complète de l’homme, qui implique de maintenir [de façon fine] notre posture, là où le macaque peut s’aider de ses bras pour marcher. Cet essai clinique permettra de déterminer dans quelle mesure les techniques que nous avons développées peuvent être appliquées aux humains souffrant de paralysies liées à une lésion de la moelle osseuse, dès lors que les [racines nerveuses reliées aux membres inférieures] sont intactes."

Étude : A brain–spinal interface alleviating Locomotor deficits after spinal cord injury. M. Capogrosso et al. Nature, 10 novembre 2016. doi:10.1038/nature20118

 


[1] Le chercheur insiste sur le fait que, contrairement à ce qu'ont laissé entendre certains journalistes de la presse anglo-saxonne, ces travaux, réalisés en Chine, ont été menés en conformité avec les standards éthiques européens en vigueur, et ont bénéficié de toutes les autorisations nécessaires en France.

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