Don du sang et homosexualité : le Comité d'éthique prône le statu quo
L'exclusion permanente des homosexuels du don du sang doit être maintenue pour l'instant, selon le Comité Consultatif national d'éthique (CCNE) qui prône "une réflexion collective approfondie" et "le développement de [nouvelles] recherches" avant toute modification.
L'avis du CCNE
"Au stade actuel des connaissances, et tant que les réflexions, évolutions et recherches demandées n'auront pas abouti, toute modification des contre-indications exposerait à des risques médicaux qui doivent être pris en considération d'un point de vue éthique", indique le CCNE dans un avis rendu public ce 31 mars, très attendu.
Ces risques sont, selon le CCNE, "liés aux incertitudes scientifiques actuelles mais aussi à une absence d'évolution des campagnes d'information qui permette une véritable responsabilisation des personnes qui ont eu des comportements à risques récents".
L'avis du CCNE avait été sollicité par la ministre de la Santé Marisol Touraine, suite à des évolutions intervenues dans plusieurs pays occidentaux et aux demandes pressantes de plusieurs associations assimilant cette interdiction du don du sang à une forme de discrimination sur l'orientation sexuelle.
Dans son avis, le CCNE relève également qu'il "n'est pas dans la mission du CCNE de se prononcer à l'avance sur ce qu'il conviendrait de faire en préjugeant du résultat des recherches scientifiques et médicales comme des évolutions qu'il propose".
"Pour ces raisons, le CCNE dans sa majorité recommande que - dans l'attente des recherches et des évolutions demandées – les contre-indications soient maintenues".
"Nous sommes très déçus, même si ce n’est pas réellement une surprise de la part du CCNE, qui adopte souvent des positions qui semblent conservatrices", nous déclare Yohann Roszéwitch, président de l’association SOS Homophobie. "C’est d’autant plus décevant qu’il y avait une annonce en ce sens de la ministre. Elle s’est prononcée en faveur d’une levée de cette interdiction le 17 mars affirmant « qu’il ne serait pas acceptable que l’orientation sexuelle soit perçue comme un critère d’exclusion » et rappelait qu’il n’y a pas de "population à risques", et seulement des "pratiques à risques". Il serait donc paradoxal que le ministère suive cet avis. Mais le gouvernement se réfugie souvent derrière les avis du CCNE. Ce serait encore une promesse [du candidat Hollande] qui serait reniée en matière de droit des homosexuels. Ici, on parle même de devoir vis-à-vis du don du sang, alors que l’EFS fait régulièrement campagne sur la pénurie de don du sang. Nous voulons être confiants, mais restons prudents, et vigilants. "
Source : Avis N°123 du CCNE – Questionnement éthique et observations concernant la contre-indication permanente du don de sang pour tout homme déclarant avoir eu une ou des relation(s) sexuelle(s) avec un ou plusieurs homme(s) [pdf]
Les hommes déclarant avoir eu une relation sexuelle avec un ou plusieurs hommes sont exclus de la collecte du sang en France depuis 1983 en raison d'un risque accru de contamination par le virus du sida. Leur exclusion est permanente contrairement aux hétérosexuels qui font seulement l'objet d'exclusions temporaires (en général quatre mois) lorsqu'ils ont eu des rapports sexuels à risques (non protégés ou avec plus d'un partenaire au cours des quatre derniers mois).
Le 3 avril, l'Assemblée se prononce contre l'exclusion
MISE A JOUR - Vendredi 3 avril, dans le cadre de l'examen du projet de loi Santé, l'Assemblée nationale a voté à l'unanimité un amendement contre l'exclusion des homosexuels du don du sang, proclamant que "nul ne peut être exclu du don de sang en raison de son orientation sexuelle".
L'amendement, présenté par le député UDI Arnaud Richard, a reçu un avis favorable de la ministre de la Santé Marisol Touraine, bien qu'il soit, a-t-elle dit, juridiquement dépourvu de portée pratique, le sujet relevant d'un arrêté et non de la loi.
La ministre a souligné prendre en compte "les préconisations" d'experts que le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) avait jugé nécessaires, relativement aux risques épidémiologiques (en particulier, de remplacer l'exclusion définitive par une exclusion de 12 mois, à l'image de ce qui se fait dans beaucoup de pays).