Attentats : en quoi consiste l'urgence médico-psychologique ?
Dans le cadre de catastrophes ou d’attentats, les cellules d’urgence médico-psychologique (CUMP) interviennent dans la prise en charge précoce des blessés psychiques. Pour expliquer en quoi consiste ces interventions, nous avions reçu après les attentats de Paris du 13 novembre 2015 Hélène Romano, psychologue clinicienne, spécialiste en psychopathologie de l'enfant et référent de la cellule d'urgence médico-psychologique (CUMP) du Val-de-Marne.
Comme l’ont relaté de nombreux médias, les victimes reçues durant le week-end par les CUMP étaient dans un état de sidération, de prostration.
"Pour les gens qui étaient très directement impliqués, sur les zones où il y a eu des attentats, le rôle des psys d’urgence est d’apprendre à mettre des mots sur les émotions, pour qu’un récit puisse se faire", explique le Dr Romano. "C’est pour cela que n’importe qui ne peut pas intervenir, et que des gens pleins de bonne volonté [font parfois mal] en voulant bien faire, et mettant des mots au mauvais moment, ou en déshumanisant les victimes."
Les études menées sur l’importance de la prise en charge "montrent que les personnes mal prises en charge [présentent, à terme], plus de troubles", ce qui justifie ce type de prise en charge très spécialisée et systématique en cas d’attentats.
"Passé l’urgence, il y a d’autres drames, d’autres catastrophes. Dans ces situations, les personnes restent très seules", alerte la psychologue. "Il faut penser les choses dans le temps […], car on a des gens qui peuvent s’effondrer plus tard." Elle encourage les personnes en souffrance à se tourner vers leur médecin généraliste pour en parler. "Les gens peuvent aussi aller voir un psy, mais dans ce cas, il faut que ce soit un psy formé", explique-t-elle, alertant sur le fait qu’il "y a beaucoup de psys auto-proclamés victimologues, avec de vrais risques de dérives sectaires".
Choqués derrière nos écrans
"Plus le temps avance, plus les personnes se restaurent psychiquement", témoigne Hélène Romano, qui insiste sur le fait "[qu’il] n’y a pas nécessairement besoin de tout psychiatriser". Elle pense en particulier aux personnes indirectement impliquées dans les attentats : les citoyens derrière leur écran, des personnes présents dans la rue mais qui n’ont pas été directement témoins… "Des réactions de peur, d’émotion, [de deuil], sont très adaptées", juge-t-elle. "Il faut réapprendre que l’on a des réactions, face à la souffrance, qui nous aident à tenir qu’il ne faut surtout pas diaboliser. [En revanche], il ne faut pas être seul face à cette peur."
"Ce drame doit permettre une prise de conscience politique et sociétale pour une éthique de la prise en charge de la souffrance psychique. Il faut que l’on réapprenne à gérer notre stress, que l’on réapprenne à gérer nos angoisses, nos peurs, qu’on apprenne que dans la vie il y a de la souffrance. [Mais aussi] que l’on n’est pas condamné à souffrir : on peut aussi avoir des ressources personnelles, familiales, collectives pour s’en sortir".
Ce n’est qu’au-delà d’un mois, souligne le Dr Romano , que l’on peut parler de "troubles post-traumatiques" ; auparavant, "il ne faut pas pathologiser" les personnes, "ni les infantiliser".