Quand les généralistes hésitent à vacciner
Un médecin généraliste sur quatre doute de l'utilité de certains vaccins recommandés par les autorités sanitaires. C'est le résultat d'une récente étude sur les pratiques vaccinales des généralistes, menée par l'Inserm et la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees).
En deux siècles, les vaccins auront sauvé bien des vies et contribué à la nette diminution des cas de polio, de diphtérie ou encore à l'éradication totale de la variole en 1980. Pourtant, nos sociétés traversent depuis quelques années une période de scepticisme marquée face à la vaccination. Certains professionnels de santé partagent ces doutes, comme le montre le récent cas du Professeur Joyeux, attaqué en justice par l'Ordre des médecins pour avoir initié une pétition contre le vaccin Infanrix Hexa® (un hexavalent protégeant contre cinq maladies, au lieu de trois).
Il ne serait pas un cas isolé. Une étude publiée le 4 juillet 2015 dans EbioMedicine et menée en collaboration avec la Drees par Pierre Verger, médecin-épidémiologiste à l'Inserm, s'est penchée sur l'"hésitation vaccinale" chez les médecins généralistes français. Plus de 1.600 généralistes ont ainsi été interrogés sur leurs pratiques en matière de vaccination, et sur les réponses qu'ils donnaient aux patients méfiants vis-à-vis des vaccins. Cinq vaccins recommandés par les autorités sanitaires, étaient concernés : rougeole, hépatite B, méningite, papillomavirus et grippe. Les conclusions sont pour le moins déconcertantes.
Un quart des généralistes doutent de l'utilité de certains vaccins
Ainsi, les médecins n'approuvent pas tous les recommandations des autorités en matière de vaccination et doutent même de l'utilité de certains vaccins. Ce serait le cas de 26% des généralistes interrogés, révèle l'étude. Les auteurs expliquent que ces doutes auraient largement été entretenus par les nombreuses controverses autours des effets secondaires de certains vaccins (papillomavirus ou méningite C). Si les généralistes sont près de 83% à recommander souvent, voire tout le temps, le vaccin contre la rougeole, les oreillons et la rubéole, ils ne sont plus que 57% à le faire chez les 2-24 ans pour le vaccin contre la méningite C. Une situation que déplorent les chercheurs : "leur hésitation à vacciner pourrait ainsi renforcer celle des patients, et contribuer à l’insuffisance des couvertures vaccinales, en particulier celles des vaccins controversés."
Cependant, pour le Dr Claude Leicher, président du syndicat des médecins généralistes MG France, ces doutes ne sont pas négatifs, au contraire. "Les médecins doivent toujours faire preuve de sens critique. Ils ne sont pas des machines qui appliquent des programmes sans réfléchir ! " martèle-t-il. Pour le médecin, qui voit dans les résultats de l'étude "une belle leçon de démocratie sanitaire", le doute peut aller dans le bon sens. "On ne veut pas proposer des choses qui ne seront peut être pas utiles : ce fut le cas du vaccin anti-rotavirus pour les nourrissons, que de nombreux médecins ont décidé, à juste titre de ne pas administrer."
Un dialogue avec les patients parfois difficile
Les auteurs de l'étude soulignent également les difficultés que rencontrent les médecins lorsqu'il s'agit d'informer correctement leurs patients sur les vaccins. Ainsi, si 96% des médecins interrogés ont confiance en leur capacité à expliquer l'utilité des vaccins à leurs patients, ils ne sont plus que 43% à être serein lorsqu'il s'agit d'expliquer le rôle des adjuvants. Le résultat doit être relativisé explique Claude Leicher. "Comprendre de manière précise le rôle des adjuvants n'entre pas dans nos compétences à nous, généralistes. Cela relève de celles de scientifiques spécialistes", précise-t-il. Toutefois, il est du devoir d'un médecin de mettre à jour ses connaissances, et "de retourner, si nécessaire, dans ses livres de facultés", insiste le médecin.
Au vu de ces résultats, les auteurs de l'étude estiment que pour convaincre les patients hésitants de se faire vacciner, un travail auprès des généralistes est nécessaire. Selon eux, cela passe par une meilleure formation à la vaccination lors des études médicales, et par une mise à jour régulière des connaissances sur les bénéfices et les risques de la vaccination. "La formation devrait ainsi améliorer les compétences des généralistes en matière de communication avec les patients hésitants ou réticents à la vaccination", concluent les chercheurs.