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Harcèlement sexuel : quelle justice pour les victimes ?

En 2012, la loi sur le harcèlement sexuel a été abrogée pour être revotée quelques mois plus tard laissant 2 000 femmes dans un vide juridique total. C'est le cas d'Aline Rigaud dont l'agresseur, après deux condamnations, n'est plus poursuivi aujourd'hui.

La rédaction d'Allo Docteurs
Rédigé le , mis à jour le
Un reportage de Claire Feinstein et Hervé Droguet

Victimes de harcèlement sexuel : comment se défendre ?

Le 5 mai 2012, associations féministes et victimes de harcèlement sexuel crient leur colère et leur désarroi. La veille, le Conseil constitutionnel a abrogé la loi pénalisant le harcèlement sexuel. À l'origine de ce coup de tonnerre, un homme : Gérard Ducray. Cet ancien député a été condamné en 2011 pour harcèlement sexuel. L'ancien secrétaire d'Etat de Valéry Giscard d'Estaing a saisi le Conseil constitutionnel en déclarant que le délit qu'on lui reprochait n'était pas conforme à la constitution. Et les Sages lui ont donné raison. Le harcèlement sexuel est alors défini comme "le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle".

Aucune précision n'est donnée sur ce qui signifie concrètement le terme "harceler". Un flou que les défenseurs des victimes de harcèlement dénonçaient eux-mêmes. "Le texte est anti-constitutionnel, il ne définit pas un délit", explique Me Maude Beckers, avocate de victimes de harcèlement sexuel, "or, un des principes fondamentaux du droit pénal est que le délit doit être strictement défini. On ne peut pas poursuivre une personne pour quelque chose qui n'est pas strictement prévue dans un texte", précise Me Beckers.

Un vide juridique

La colère des victimes est née du fait que le Conseil constitutionnel a abrogé une loi sans attendre que le législateur en vote une nouvelle, créant ainsi un vide juridique. Pour que les femmes victimes de harcèlement puissent poursuivre leurs agresseurs devant les tribunaux, les juges saisis des dossiers devaient requalifier les faits. Une requalification en harcèlement moral par exemple, un délit reconnu par la loi. Mais dans les faits, la démarche est tellement lourde que les 2.000 victimes dont les affaires étaient en cours, ont vu leur dossier passé aux oubliettes.

Le 24 juillet 2012, le nouveau gouvernement s'empare du dossier du harcèlement sexuel. Le délit de harcèlement sexuel revient sur le devant de la scène, un nouveau projet de loi est proposé. La loi est adoptée le 6 août 2012. Le harcèlement sexuel y est défini plus précisément comme le "fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle".

Le texte aujourd'hui en vigueur devrait protéger correctement les futures victimes de harcèlement. Mais les coups de théâtre de 2012 ont tout de même privé de leurs droits et réparations plusieurs milliers de femmes.

Témoignage d'une victime de harcèlement sexuel

Entretien avec Aline Rigaud, auteur de l'ouvrage ''Il a fait de moi sa proie''

En 2009, Aline Rigaud porte plainte contre Gérard Ducray, alors adjoint au maire de Villefranche-sur-Saône, pour harcèlement sexuel. Mais suite à une procédure longue et complexe, Gérard Ducray n'est aujourd'hui plus poursuivi malgré deux condamnations en première et deuxième instance.

Aline Rigaud raconte son histoire dans un livre "Il a fait de moi sa proie", paru aux éditions Flammarion.

Livre :

La prise en charge des victimes de harcèlement sexuel

Harvey Weinstein, Gilbert Rozon, Kevin Spacey... Depuis début octobre 2017, les affaires de harcèlement sexuel s'enchaînent et la parole des victimes se libère. Et pas seulement chez les célébrités ! Des milliers d'anonymes se sont exprimés, à tel point que le sujet est devenu viral sur les réseaux sociaux avec le hashtag #balancetonporc. Cela n'a rien d'étonnant quand on sait qu'une femme sur cinq est victime de harcèlement sexuel au cours de sa vie professionnelle.

En 2012, la première cellule de prise en charge psychologique des victimes de harcèlement sexuel a ouvert ses portes à l'hôpital Saint-Antoine à Paris. Depuis, une centaine de femmes y ont recours chaque année.

Sensibiliser les jeunes au harcèlement sexuel

Pour faire bouger et changer les mentalités, des associations comme l'association "En avant toutes" organisent régulièrement des interventions de sensibilisation auprès des jeunes.

Si une femme sur cinq est victime de harcèlement sexuel au travail, le milieu universitaire n'échappe pas aux statistiques. Chaque année, beaucoup d'étudiantes subissent des agressions : "Dans le cadre étudiant, ces agressions vont avoir lieu dans les soirées festives, à l'extérieur des études, dans des lieux festifs où il y a de l'alcool, de la drogue... Ce sont des moments de vulnérabilité pour un certain nombre d'étudiantes", explique Laure Ignace, membre de l'association contre les violences faites aux femmes au travail.

Pour faire face à l'augmentation du nombre de victimes à l'université, des actions sont désormais menées auprès des étudiants. Eduquer la jeunesse, c'est faire le pari de changer les mentalités en profondeur comme le confie Ynaée Benaben, membre de l'association En avant toutes : "Il y a une banalisation des violences dans notre société, il y a une banalisation des comportements inégalitaires... Et dès que l'on ouvre la parole sur ces sujets, ça soulage, ça choque parfois mais finalement, ça donne envie de réagir".  Bousculer les règles du jeu est un enjeu majeur à l'heure où 30% des victimes se murent encore dans le silence.

L'association "En avant toutes" propose également un tchat sur son site Internet où les victimes peuvent se confier de façon anonyme.

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