Allongement du pénis : des techniques encore peu probantes
Le pénis, un enjeu de taille ? Certains hommes en souffrance, n'hésitent pas à opter pour des techniques ou une chirurgie en vue d'augmenter leur pénis. Une étude les évalue peu efficaces et non sans risque. Le point avec deux experts.
L'impression d'avoir un sexe de petite taille provoque donc un stress significatif chez certains hommes, même si leur pénis est dans les normes. Ils n'hésitent pas à recourir à la chirurgie ou à des moyens non chirurgicaux dont l'efficacité n'est pas forcément prouvée. Une étude a récemment fait un point sévère sur les effets des différentes techniques. Les auteurs anglais ont réalisé une revue systématique, publiée en avril 2019 dans le Sexual Medicine review. Autrement dit, c'est un travail qui compile les résultats de plusieurs études, en l'occurence de 17 études, un nombre trop faible pour conclure formellement d'après le Dr Bou Jaoudé, sexologue (il faut donc s'appuyer sur d'autres travaux). 773 homme ont été suivis après avoir bénéficié d'une technique pour augmenter et/ou élargir leur pénis, soit une chirurgie pour 525 d'entre eux, soit un traitement non chirurgical pour 248.
Dans la revue systématique, la très grande majorité des hommes rapportait une taille du pénis jugée normale (les normes officielles sont de 7 à 11 cm en moyenne au repos et de 10 et 18 cm en érection). "Il faut préciser la technique de mesure aux hommes car elle a une importance sur le résultat, précise le sexologue. On utilise un ruban et non pas une règle, sur la partie supérieure du sexe et on part de l'os pubien." Une technique de mesure qui rassurera un certain nombre d'hommes...
Les techniques non chirurgicales, souvent mal évaluées
Parmi les traitements non chirurgicaux, les "extenseurs" sont des dispositifs allongeant le pénis par effet de traction progressive ; dans l'étude, ils avaient été utilisés durant 4 à 9 heures, pendant 3 à 6 mois. Résultats, ils augmentaient la taille de moins de 2 cm au repos seulement et l'effet sur la circonférence n'était pas significatif. Des effets déjà retrouvés par d'autres études. "Les extenseurs sont dans les recommandations officielles, confirme le Dr Faix, urologue et responsable du comité d'andrologie et de médecine sexuelle de l'AFU. Toutefois, ce sont des dispositifs médicaux qui ne répondent pas au même niveau de preuve que les médicaments." Les effets secondaires ne sont pas rares : dans la revue, un patient sur 10 avait reporté des douleurs, un engourdissement, des ecchymoses et noté un manque d'efficacité.
Autre technique reportée, les injections d'acide hyaluronique ou d'acide polyactique, qui sont très peu évaluées. Elles avaient augmenté la circonférence de 1,7 au milieu du pénis à 3,8 à sa base, avec un taux élevé de complications (à type d'inflammation ou d'induration au niveau du site d'injection, d'érections douloureuses, de courbure du pénis, d'érythème). Le vacuum, cette pompe à pression utilisée dans le trouble de l'érection, n'avait aucun effet sur la taille, indication dans laquelle il n'est habituellement pas recommandé.
La chirurgie : effets limités et complications parfois élevées
Concernant la chirurgie, les auteurs distinguaient les différentes techniques (incision du ligament suspenseur, greffe de tissus graisseux ou autre, lambeaux péniens, désassemblage du pénis). Le bénéfice est au maximum de 3,35 cm. La technique la plus utilisée était celle de l'incision du ligament suspenseur, le ligament qui suspend le pénis et elle allongeait le pénis de 1,5 à 1,9 cm ,ou de 3,5 en association aux extenseurs, sans complications. Les autres techniques étaient certes un peu plus efficaces, avec un gain de 3,5, cm mais souvent au prix de complications. (œdème persistant du prépuce, déplacement de la graisse utilisée, rétraction du pénis).
"On sait que l'opération n'est pas la panacée pour tous les patients, confirme le Dr Antoine Faix. Certains, bien sélectionnés, sont très contents, même si ce n'est pas la majorité." Le spécialiste recommande une sélection plus rigoureuse des patients, avec au préalable une évaluation anatomique par un urologue ou un chirurgien plasticien, mais aussi une évaluation psychologique par un psychologue ou un psychiatre habitué à cette problématique, pour dépister une anxiété du petit pénis ou une dysmorphophobie (NDLR : ce trouble psychiatrique induit une focalisation sur une partie du corps, qui n'est plus vue comme elle est réellement, ainsi qu'un complexe majeur et une souffrance intense). Ce que confirme le Dr Bou Jaoudé, en ajoutant que dans ce cas, il est impératif de travailler sur le trouble, avec le patient, avant de corriger la taille du pénis.
Privilégier éducation et thérapie sexuelles
Les auteurs de l'étude ont également étudié les effets de l'éducation sexuelle et des thérapies, à l'aide de 10 études portant sur 837 patients. Au total, 453 hommes ont fini par renoncer au traitement. Quand ils étaient prodigués par des structures spécifiques, les conseils sexuels étaient efficaces chez 66 à 100%. "La majorité des hommes qui ont consulté dans la revue avaient une taille de pénis normale, il faut donc les aider à comprendre que leur sexe est normal ! s'exclame le Dr Gilbert Bou Jaoudé qui confirme que c'est aussi le cas dans la réalité. C'est pour cela que la thérapie est à recommander en premiers recours car il n'y a pas de besoin d'allonger..." Ce constat est retrouvé par d'autres études. "Il faut comprendre d'où vient l'idée du petit pénis, reprend le sexologue. C'est souvent le visionnage excessif de pornographie, ou des chiffres farfelus lus sur internet, ou encore des remarques blessantes d'un ou d'une partenaire, ou une mauvaise expérience. La thérapie doit aussi aider l'homme à réaliser que la taille de son pénis est normale, le plus souvent, et qu'elle n'influence pas le fait d'être un bon amant."
Compenser le manque de preuves en informant mieux le patient
Selon les auteurs de l'étude, les traitements des pénis jugés petits disposent de preuves maigres. "Ce qui est vrai c'est qu'on sait peu de choses sur les techniques d'augmentation et elles sont peu évaluées", confirme le Dr Faix. Les auteurs recommandent donc en premier lieu les conseils et les thérapies, éventuellement avec des extenseurs pour les hommes voulant absolument une augmentation de leur sexe, une conclusion que partage le Dr Bou Jaoudé. Les injections et la chirurgie doivent être proposées en dernier recours, en rappelant que les premières sont mal évaluées et que l'opération doit être réservée à des patients bien sélectionnés par une évaluation multidisciplinaire
Tout homme s'interrogeant sur la nécessité d'augmenter son pénis, devrait donc avoir droit à une information éclairée sur les bénéfices attendus et les risques potentiels de chaque technique et il devrait se voir proposer en premier lieu une information sexuelle de qualité.