Post-partum : un bouleversement après la naissance
Lochies, tranchées, cicatrice d’épisiotomie… Après la naissance, le corps des femmes continue de subir des bouleversements. Mais cette période du "post partum ", qui signifie "après l'accouchement", peut aussi être un bouleversement psychologique.
Le post-partum commence dans les minutes qui suivent l’accouchement, (après la délivrance du placenta), mais on ne sait pas exactement quand il se termine. Cette période, qui signifie littéralement "après l'accouchement", peut durer 40 jours, mais elle peut parfois s'étendre jusqu’à six mois après la naissance de l'enfant. Et les manifestations physiques et psychiques que subissent les jeunes mères varient beaucoup d’une femme à l’autre.
Tranchées, lochies, hémorroïdes, cicatrice...
Les premiers symptômes du post-partum sont surprenants : il s’agit en effet de contractions, parfois douloureuses, alors que l’accouchement est terminé. C'est ce qu'on appelle les " tranchées". Ce sont elles qui permettent à l’utérus de retrouver sa place et sa taille initiales.
En effet, juste avant l’accouchement, l’utérus a la taille d’une grosse pastèque et il est situé très haut. Deux jours après, il adopte une taille équivalente à celle d’un melon juste au-dessus de l’ombilic. C'est pour cela que les femmes qui ont accouché ne retrouvent pas un ventre plat immédiatement.
Petit à petit, il se rétracte jusqu’à reprendre sa taille initiale, l’équivalent d’une figue, au bout de six à huit semaines et se replace au niveau de la symphyse pubienne. Les contractions ne durent que trois à sept jours et certaines femmes les perçoivent à peine.
Autre passage obligé, les saignements post-accouchement appelés les lochies. Ils proviennent principalement de la plaie laissée par le placenta sur la paroi utérine. Ces saignements sont très abondants les trois premiers jours puis diminuent rapidement. Ils peuvent durer jusqu’à six semaines.
Après l’accouchement, certaines femmes doivent aussi prendre soin d’une cicatrice : en cas d'épisiotomie, l'incision réalisée dans certains cas au niveau du périnée, de " déchirure" ou de césarienne. Les fuites urinaires sont également fréquentes. Autre réjouissance : les hémorroïdes qui touchent une jeune mère sur trois. Elles s'expliquent à la fois par les hormones et par la pression qu'exerce l’utérus sur la région anale.
Briser le tabou du post-partum
Les jeunes mères ne doivent pas rester seules face à ces bouleversements. Elles peuvent bénéficier d’un suivi par une sage-femme : toutes les jeunes mères ont droit à des séances de suivi . L’assurance maladie en rembourse deux, dans les 12 premiers jours de vie du bébé.
Mais la plupart du temps, elles ne voient aucun professionnel de santé avant la consultation post-natale obligatoire, située huit semaines après l’accouchement. C'est un délai trop long car les premières semaines peuvent être difficiles.
À 33 ans, Illana Weizman, sociologue et autrice de l'essai Ceci est notre post-partum. Défaire les mythes et les tabous pour s’émanciper, accouche d'un petit garçon, Dov.
Après une grossesse de rêve et un accouchement long mais sans complications, c’est au retour de la maternité que les difficultés ont commencé pour elle. Pourtant Illana est loin d’être la seule femme à avoir eu cette image dépréciée d’elle-même en sortant de la maternité. Les femmes sont dans un état émotionnel particulier à ce moment-là.
C’est le fameux "baby blues" qui est quasiment incontournable : il touche huit femmes sur 10. C'est une déstabilisation émotionnelle qui arrive généralement entre le troisième et le cinquième jour qui suit l’accouchement.
Pendant des mois, les femmes enceintes ont baigné dans des taux d’œstrogènes et de progestérone très élevés - qui sont les hormones qui favorisent le bien-être et la sérénité. Mais d’un seul coup, au moment de l’accouchement, le taux d’hormones s’effondre.
À cela s'ajoute la fatigue, la solitude face à un nouvel être que l'on ne connaît pas encore, les saignements, le corps transformé, les douleurs…. Tout cela ne colle pas avec l’idée reçue encore bien ancrée selon laquelle une mère se doit d’être pleinement heureuse. Et ce mal-être reste très compliqué à exprimer et à partager, même à ses proches.
La dépression du post-partum
Illana est mère depuis huit mois lorsqu'elle fait ce qui s'appelle une dépression du post-partum. Cette dépression peut apparaître plusieurs mois après la naissance et n’a rien à voir avec le baby blues, qui, lui, disparaît de lui-même au bout de 10 ou 15 jours maximum. C’est à cela qu’ils sont différenciés : la dépression du post-partum dure dans le temps.
Une jeune mère qui se sent triste pendant plus de 15 jours d’affilée ou qui n’a pas de plaisir quand elle s’occupe de son bébé, au moment du bain, de la tétée etc, est probablement en dépression post-partum. Les premiers symptômes de ce trouble sont un état dépressif ou anxieux, une fatigue ou encore une humeur instable.
Celle-ci touche près d’une femme sur quatre, mais là encore, c’est le "silence radio". Les femmes sont pétries de culpabilité de ne pas se sentir bien alors qu’elles ont "tout pour être heureuse". Elles n’en parlent donc pas et consultent rarement.
Illana a consulté un psychologue. Elle a mis plus d’un an à se sortir de cette dépression. Elle reprend le cours de sa vie normale et un jour, elle lit sur les réseaux sociaux une publication qui la révolte. Le post en question parle d’une publicité qui devait passer à la télé pendant la cérémonie des Oscars, aux Etats-Unis et qui a été censurée. Elle n’a pas été diffusée.
C'est une jeune mère qui se réveille en pleine nuit en entendant les pleurs de son bébé. On comprend très vite en voyant sa culotte qui ressemble à un filet de pêche et cette couche très imposante, qu’elle vient d’accoucher et ce n'est pas tout rose. Elle se dirige péniblement vers les toilettes et c'est clairement l’envers du décor de la maternité bien heureuse.
Il s'agit en réalité d'une publicité pour des produits d’hygiène intime post-accouchement. Malgré tout, cela reste assez pudique, il n’y a ni sang, ni nudité mais c’en est déjà beaucoup trop pour la chaîne américaine ABC qui décide de censurer cette publicité. Pour Illana, c’est un électrochoc.
Mieux accompagner le post-partum
Comme souvent sur les réseaux sociaux, tout s’emballe très vite… En quelques minutes à peine, Illana reçoit des centaines de commentaires. Elle se dit qu’il y a un vrai sujet et elle décide de lancer un hastag #monpostpartum.
C’est la déferlante. En à peine 24 heures, le hashtag compte 15 000 publications. Un an plus tard, cela ne s’est pas essoufflé. Chaque jour, des dizaines de jeunes mères témoignent avec ce hashtag.
Culpabilité et solitude, sont les deux mots qui reviennent dans tous les témoignages. Pour Illana, la seule solution est d’améliorer l’accompagnement des jeunes mamans en proposant un suivi psychologique systématique sans qu’elles aient à le demander.
Il s'agit ici d'un véritable enjeu de santé publique puisque selon Santé publique France, le suicide est la première cause de mortalité maternelle, devant les maladies cardiovasculaires. Le fait d’informer les femmes sur l’après accouchement sans tabou n’a pas pour but de les décourager mais plutôt de les inciter à demander de l’aide si ça ne va pas.
Depuis 2022, un entretien post-natal précoce est systématiquement proposé pour mieux accompagner le post-partum. Il peut être réalisé par une sage-femme ou un médecin entre la quatrième et le huitième semaine après l'accouchement. Son objectif est de repérer les premiers signes d'une dépression du post-partum, d'identifier d'éventuels facteurs de risque (évènement stressant, isolement...) et d'évaluer les besoins des parents ou de la mère en termes d'accompagnement.
Un deuxième entretien peut avoir lieu entre la 10e et la 14e semaine qui suit l'accouchement.
Post-partum : les pères aussi !
La dépression du post-partum peut aussi toucher les pères ou le deuxième parent.
Chez les pères, la dépression post-partum reste taboue.
Pourtant, 5 % d’entre eux en seraient atteints. Et les deux conjoints sont souvent touchés en même temps.
Dans un couple hétérosexuel, le risque de dépression post-partum augmente chez les hommes quand les femmes en souffrent. Les conflits dans le couple, l'isolement et la précarité sont également des facteurs de risque.
Des consultations commencent à se mettre en place en France pour aider et dépister les jeunes pères après une naissance.
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