Homoparentalité : quand les psys s'affrontent
Question très complexe que l'homoparentalité, qui suscite profondes interrogations et débats passionnés. Beaucoup d'incertitudes ont longtemps subsisté, aussi bien sur le nombre d'enfants élevés par des parents homosexuels que sur leur devenir. Les psys s'opposent à ce sujet selon l'école à laquelle ils appartiennent, freudiens versus cliniciens. Décryptage.
Comprendre l'homoparentalité et le débat qui l'entoure
L'homoparentalité désigne le lien qui unit un enfant à un ou deux parents homosexuels. Elle reconnaît des parents biologiques et des parents "sociaux", qui n'ont pas conçu l'enfant, mais l'élèvent.
L'Association des familles homoparentales explique ainsi les différents types d'homoparentalité : pour les hommes, il s'agit de l'adoption, de la gestation pour autrui (interdite en France), de la coparentalité (qui est définie par le partage de droits et de devoirs entre plusieurs parents) et enfin de la recomposition familiale (avec un parent divorcé, anciennement hétéro).
Pour les femmes, la gestation pour autrui (GPA) est remplacée par l'insémination avec donneur (en sachant que l'assistance à la procréation médicale est autorisée en France aux femmes seules et homosexuelles depuis la loi de bioéthique de 2021) et les trois autres structures familiales coexistent .
Il est difficile d'être certain du nombre d'enfants concernés : les estimations varient de 20 000 à 40 000 pour l'Institut National des Etudes Démographiques (INED), à 250 000, le chiffre avancé par les associations, comme l'Association des parents et futurs parents gays et lesbiens.
D'après les "pro-homoparentalité", l'amour des parents est suffisant et c'est la différence des rôles au sein du couple qui est fondamentale pour la construction de l'enfant. Ils ont dans leur argumentaire des études rassurantes sur l'homoparentalité.
Les "anti-homoparentalité" estiment que ces études ne sont pas convaincantes (certains vont même jusqu'à qualifier les enfants de cobayes puisque les études consisteraient en des expérimentations sur le vivant). Selon eux, l'amour est loin d'être une condition suffisante et la différenciation des sexes, inhérente au couple hétérosexuel est essentielle pour la construction de l'enfant.
La position des disciples de Freud
Les freudiens ont rejoint le rang des opposants à la proposition de François Hollande. Car l'école de Freud trouve ses fondations dans le complexe d'Oedipe, (pour mémoire, l'enfant a le désir inconscient d'avoir un rapport sexuel avec le parent du sexe opposé et d'éliminer celui du même sexe.
Dans la psychanalyse, le père ou la mère doit ainsi être tué(e) pour franchir une étape phare dans le développement de la sexualité). Alors remplacer le père ou la mère par le terme asexué de parent est une hérésie pour les psychanalystes : comment un enfant pourrait-il être se construire alors qu'il est élevé par deux papas ou deux mamans ?
La différenciation sexuelle de ses parents est essentielle : la mère a un rôle plus tendre, elle cherche avant tout le confort de sa progéniture alors que le père la stimule davantage, via des jeux plus physiques.
Autre argument avancé par les freudiens : la nature n'autorise pas la conception d'un enfant par deux personnes du même sexe...
"Dire à un enfant qu'il est né de la relation amoureuse de deux adultes du même sexe, c'est introduire un faux dans sa filiation. Plaquer un mensonge sur son origine", déclare Chistian Flavigny, pédopsychiatre et psychiatre, dans Le Figaro du 3 octobre 2012 ("Adoption par les homos : pourquoi les disciples de Freud disent non"). L'enfant s'en rendrait compte dès trois ou quatre ans et se retrouverait confronté à un mystère très perturbant. D'où des difficultés d'identification sexuelle ou une image narcissique mise à mal.
Que penser des études réalisées ?
De nombreuses études sur l'homoparentalité ont été réalisées dès les années 70 dans les pays anglophones et à partir des années 90 en France, afin d'évaluer les enfants élevés par des couples homosexuels. D'après Le Monde, dans l'article "Enfants d'homos : des études positives mais aux multiples biais", datant du 25 septembre 2012, leur nombre s'élèverait à plus de 700, avec seulement 10 % portant sur le développement des enfants.
Différents critères ont été évalués, comme l'identité sexuelle, le développement émotionnel, les relations sociales avec les autres enfants et avec les adultes, et le risque d'abus sexuels, la réussite scolaire et universitaire, le risque de psychopathologies.
Ces études montrent que les enfants vont bien, qu'ils sont différents des enfants élevés par un couple traditionnel : ils auraient une plus faible estime de soi, compensée par une plus grande facilité à exprimer leurs émotions. Et il n'y a pas plus d'homosexuels parmi eux.
La plupart des psys français remettent en cause la méthodologie de ces études, à l'instar d'Aldo Naouri sur le site Psychologies.com. "La méthodologie de ces études est récusable et il est impossible d'imaginer aujourd'hui des tests susceptibles de donner des résultats objectifs. Il s'agirait donc d'expérimentations sur le vivant illégales". En d'autres termes, ces enfants seraient des cobayes...
Les opposants à l'homoparentalité reprochent aussi aux études le faible nombre d'enfants y participant, ou encore le fait qu'il s'agisse surtout de femmes à haut niveau de vie. De plus, les études étrangères seraient réalisées par des proches des communautés homosexuelles ou financées par des organisations religieuses radicales...
Quant à la France, elle ne peut même pas répertorier ces nouvelles familles puisqu'elles sont enregistrées à l'Institut national de la statistique (Insee) comme "monoparentales"... sans précision du statut sexuel.
En 2019, une étude très rassurante a été publiée sur le devenir des enfants élevés par des parents homosexuels : Les enfants élevés par des parents homosexuels vont aussi bien que les autres.
Les arguments des pro-homoparentalité
Les cliniciens pro-homoparentalité fondent leur argumentaire sur l'étude des enfants et estiment que la famille a changé et que les enfants se construisent comme les autres, s'ils ont autour d'eux des adultes pour s'identifier au genre féminin ou masculin.
La capacité d'éducateur des homosexuels n'est pas à remettre en cause et elle est finalement peu attaquée. Si l'enfant est nourri, éduqué avec amour, amené à l'école, s'il partage avec ses parents des moments heureux et d'autres moins, toutes les composantes d'une famille sont réunies. Avec à la clé, son épanouissement.
Un avis partagé par Stephane Clerget, pédopsychiatre, dans un article du journal Le Monde ("Vif débat chez les psys sur l'homoparentalité", en date du 25 septembre 2012). Il déclare que "ce qui est important pour l'enfant, c'est de savoir biologiquement d'où il vient et qui a des droits sur lui".
Et Serge Hefez, pédopsychiatre, confirme dans le même article que "deux personnes qui n'ont pas engendré un enfant peuvent être ses parents, qui l'aiment et l'élèvent. Cela ne pose pas de problème si les choses sont claires pour l'enfant."
Pour Christophe André, toujours sur Psychologies.com, la situation est aussi dérangeante parce qu'elle est nouvelle dans notre société. Plus elle se banalisera, "plus l'enfant trouvera facilement réponse à ses manques, à ses besoins identificatoires ou à ses questions dans l'environnement proche - famille, enseignants, amis". Car ce dont souffrent les enfants, c'est davantage du regard porté par leurs petits camarades à l'école, ou par des adultes qui jugent leur situation dérangeante.
La vraie question est de savoir comment ces enfants évolueront, quels adultes ils deviendront à l'âge d'avoir des enfants, mais aussi quels parents. Et il faudra sans doute plusieurs générations pour y répondre...