Soigner les myopathies grâce à la salive des apnéistes ?
Des spécialistes des myopathies étudient l'ADN d'apnéistes aux qualités respiratoires exceptionnelles, à la recherche de gènes impliqués dans l'élasticité thoracique. Leur objectif : mettre au point des traitements contre les faiblesses musculaires.
Dans cette piscine près de Strasbourg, Aurélie, 16 ans, peut nager 80 mètres sans respirer. C'est une prouesse pour cette jeune nageuse, grâce aux entraînements et l’apprentissage d’une technique bien particulière.
147% de sa capacité respiratoire
"L’inspiration carpée est une inspiration normale plus un mouvement mécanique avec la glotte qui permet d’emmagasiner de l’air de façon artificielle", explique Vincent Heyer, entraîneur d'apnée à l'Atlante Subaqua club, en Alsace.
Cette méthode augmente la capacité respiratoire des apnéistes. Avec une respiration classique, Aurélie atteint les 118 % de capacité respiratoire, ce qui est déjà beaucoup. Mais lorsqu’elle utilise la technique de la carpe, elle explose tous les compteurs. "L’expiration est beaucoup plus forte. On est passé de 118 à 147 %", commente Vincent Heyer.
Une élasticité thoracique inscrite dans les gênes
C'est une capacité respiratoire qui reste rare. Aurélie semble avoir des facultés hors normes. "Il faut une prédisposition. Il y a certaines personnes qui arrivent à le faire d’autres personnes qui n’y arrivent pas. Moi, au bout de trois, je pars en malaise vagal, c’est particulier. Elle en était à 30. Son maximum en étant échauffée, en préparation de compétition, avant le championnat de France, c'est 40", confie Vincent LLeyer.
Ce n’est pas compliqué, c’est naturel pour Aurélie, mais c’est rare, peu de personnes ont cette capacité-là.
Elle a une élasticité thoracique importante qui lui permet de tenir cinq minutes en apnée statique. Et si cette aptitude était inscrite dans ses gênes ?
C’est la question que se pose Nadège Diedhiou, chercheuse. L'ADN de la salive d’une trentaine d’apnéistes chevronnés est analysée pour une étude.
Dépister ou prévenir des maladies génétiques
"Je vais récupérer le petit brin d'ADN, puis on pourra séquencer le génome du participant concerné, si la qualité est bonne", explique Nadège Diedhiou, ingénieure d’études à l'Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire d'Illkirch.
C'est un travail titanesque de plusieurs années qui attend les chercheurs. "Il y a 3 à 4 millions de variations dans chaque génome. Parmi elles, il faut qu’on essaye de trouver laquelle dans notre cas, les apnéistes pourraient avoir pour des performances hors du commun", commente Nadège Diedhiou.
Si ce gène était, un jour découvert, il pourrait soigner certaines maladies.
Étudier l’ADN d’autres sportifs d’endurance
"L’idée est effectivement d’identifier des cibles thérapeutiques qui pourraient être appliquées à des patients myopathes par exemple, qui ont des faiblesses musculaires et des difficultés respiratoires", confie Jocelyn Laporte, directeur de recherche à l'institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire.
En plus des apnéistes, d’autres sportifs, comme des cyclistes ou des skieurs de fond devraient être intégrés à cette étude. Les premiers résultats sont attendus dans cinq ans.