Un restaurant qui réunit les sourds et les entendants

Au restaurant 1000&1 signes, les dernières tables se dressent et les dernières préparations ont lieu en cuisine. Dans quelques minutes, ce sera le coup de feu du déjeuner dans cet établissement parisien, pas tout à fait comme les autres.

Comme Johanna, serveuse, les cuisiniers Mikaël et Brahim ou encore Sid, le patron, tous les salariés de ce restaurant sont sourds et communiquent en langue des signes.

"Montrer qu'avec les sourds, il n'y a pas de risque de malentendus"

Pour se faire comprendre, les clients entendants doivent se prêter au jeu."Pour moi, c'est réussi parce qu’il n’y a pas besoin de mettre la voix, pas besoin de communiquer en articulant exagérément" explique Sid Nouar, fondateur du restaurant 1000 &1 signes, à Paris. 

"Je montre la carte avec les différents menus, A, B ou C.. et ils me montrent ce qu'ils veulent avec leurs doigts. À la fin, ils peuvent vérifier ce que j'ai noté. Comme ça, je suis certain de ne pas m'être trompé. Pour moi, c'est important de montrer qu'avec les sourds, il n'y a pas de risque de malentendus", poursuit-il.

Inverser les situations

Pour une fois, ce n’est pas à Sid et à son équipe de s’adapter au monde des entendants. "Ça nous fait du bien de pouvoir comprendre les difficultés auxquelles ils se confrontent, ça nous permet de nous mettre à leur place dans un moment assez simple, du quotidien. Ça permet de comprendre ce qu'ils peuvent vivre dans ce genre de moments", précise une cliente.

Mais pour Amandine et Hugo, malentendants, l'expérience est reposante."Habituellement, dans un restaurant, on lit sur les lèvres, on oralise, là, c'est en langue des signes, ça fait du bien", confie Hugo.

"Comment être sûr qu'une allergie a bien été comprise ? Comment demander si l'assiette est copieuse ou non ? Là, tout est clair, j'ai juste à demander ce que je veux" poursuit Amandine. "Il arrive parfois qu’on ne me serve pas le plat que je voulais, parce qu'on s'est mal compris, c'est fatigant. C'est un choc culturel. Ces situations d'incompréhension sont récurrentes. Ici, il n'y a aucun problème", se réjouit-elle encore.

Faciliter l'emploi des personnes sourdes

En créant ce restaurant, Sid a voulu cette rencontre entre deux mondes. Mais cet ancien professeur des écoles a aussi souhaité faciliter l’accès à l’emploi des personnes sourdes, souvent discriminées. 

Johanna Ruiz, étudiante et serveuse à temps partiel, en a fait l’amère expérience. "J'ai eu des entretiens d’embauche, mais je pense que mon handicap était un frein. J'ai cherché, cherché, ça n’a vraiment pas été facile de trouver dans une entreprise avec des entendants, dans un environnement classique. Alors je me suis dit que j'allais essayer une entreprise adaptée", témoigne-t-elle.

Sid, aujourd'hui patron de sept salariés et à la tête d’un restaurant qui fait salle comble, souhaite faire connaître la langue des signes. Mais surtout montrer aux sourds comme aux entendants que tout est possible.