Une mâchoire reconstruite grâce à un fragment d'os de la jambe
Quand le cancer progresse dans la mâchoire, le recours à la chirurgie est souvent nécessaire pour retirer la tumeur. Cette opération dure huit heures durant lesquelles deux équipes de chirurgiens vont se relayer. Reportage
Au bloc opératoire, un patient de 46 ans présente une récidive de cancer de la mâchoire. Il doit subir une mandibulectomie, une ablation de la mâchoire inférieure. Cette chirurgie va durer 8 heures durant lesquelles deux équipes vont se relayer.
Une chirurgie, deux équipes
"Le cancer est vraiment localisé au niveau de la mâchoire du bas, la mandibule. On se retrouve très rapidement à devoir enlever une bonne partie de la mâchoire et donc, évidemment, les dents qui sont sur la mâchoire à cet endroit-là", explique le Dr Mourad Benassarou, chirurgien maxillo-facial à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière.
Le chirurgien commence par extraire la tumeur en passant par le cou.
Parallèlement, l’autre équipe de chirurgiens travaille sur la jambe du patient, pour extraire la fibula. Cet os est situé à côté du tibia, il est aussi appelé le péroné. Il va permettre de reconstruire le bout de mâchoire manquant.
Un lambeau de péroné prélevé
L'extraction de la fibula doit se faire dans un temps imparti, c'est une étape fastidieuse.
"Le prélèvement se fait sous garrot donc la jambe n’est plus vascularisée. On a entre une heure et une heure trente pour faire le prélèvement. Après ce délai-là, il faut dégonfler le garrot pour permettre à la jambe d'être à nouveau vascularisée", précise le Dr Philippe Galli, chirurgien maxillo-facial à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière.
Avec le lambeau de péroné, il faut aussi extraire le pédicule, une partie liée à l’os, composée de nerfs et de vaisseaux sanguins sans laquelle la greffe ne peut fonctionner.
Les vaisseaux emportés avec l’os de la fibula permettront de revasculariser le lambeau. Au même moment, l’équipe à la tête du patient s’attaque à la tumeur.
Ne pas disséminer les cellules cancéreuses
"Par l’intérieur de la bouche, je vais pouvoir couper la muqueuse tout autour de la tumeur pour pouvoir la délimiter et la retirer en entier, tout en restant toujours à distance de la tumeur pour ne pas risquer de disséminer les cellules cancéreuses", confie le Dr Mourad Benassarou.
"J’ai décroché toute la partie de la mandibule et maintenant, je suis en train de décrocher la langue, pour la laisser car elle n’est pas atteinte", précise le Dr Mourad Benassarou.
La partie cancéreuse est enfin extraite. Une heure et demie plus tard, c’est au tour de l’équipe chargée de retirer le lambeau de fibula d'agir.
"Maintenant on va couper ce segment tout droit en plusieurs fragments de manière à ce que l’os reprenne la forme de la partie de la mâchoire qu’on a enlevée", montre le Dr Mourad Benassarou.
C'est un remodelage à quatre mains qui doit correspondre parfaitement aux dimensions de l’ancienne mâchoire. Il faut faire vite car le lambeau n’est plus vascularisé et il y a un risque de nécrose. Les fragments d’os sont ensuite vissés sur une plaque en titane. La nouvelle mâchoire est créée.
Revasculariser l'autogreffe
Il pourra bouger sa mâchoire comme il le faisait avant. Il s’agit enfin de revasculariser le lambeau. Pour cela, le chirurgien doit trouver dans le cou une artère de 3mm, afin d’y rattacher la pièce. C’est la dernière étape, la plus délicate.
Le chirurgien a trouvé une artère qui a un bon calibre et un bon flux sur laquelle il va brancher le lambeau. Pour s’assurer de la bonne vascularisation, l’ultime test est une légère incision sur le plancher de la bouche.
La mission est réussie, le sang circule bien. Le cou et la jambe du patient sont enfin recousus. Il passera 2 à 3 semaines d’hospitalisation et sera nourri par une sonde les premiers jours.
Pour en savoir plus :
Association Corasso